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Culture et société

La nature et les médias

Le physicien Brian Greene, auteur avec quelques autres de la théorie des cordes, estime que la totalité des lois fondamentales de l'univers seront connues tôt ou tard, et peut-être plus tôt que tard. Cela se peut, mais cela devient de plus en plus une course entre la recherche et notre extinction comme espèce.

Tourné vers le pays des chasses éternelles, l'homme n'a pas eu d'yeux pour la nature. Il n'en était pas «le centre», comme le veut un célèbre raccourci philosophique, il se pensait au-dessus et bientôt, espérait-il, ailleurs. La nature est pourtant notre liquide amniotique. Les saisons nous la faisaient voir comme un constant et misérable recommencement. Mais les cycles sont une illusion : la nature change, elle ne se répète pas…

La chance de la nature, enfin — mais il est bien tard —, c'est qu'il ne nous reste qu'elle comme religion. Dans quelle mesure cette liturgie nouvelle n'est-elle qu'un néoromantisme, après 150 ans de culte du ­progrès industriel? Ou est-ce un retour au panthéisme, après des siècles de querelles de théologiens? Voici la nature enfin révérée, d'où tous ces petits jardins, urbains, japonais, en pots, mini-nature de théâtre... Mais cela n'est que rite, ce n'est pas la biodiversité. Encore une fois, nous restons en dehors de la nature, étrangers. Et en instance d'éjection, sans passeport pour ailleurs.

Or, l'humanité disparue, quelle est l'importance du monde? Oui, j'entends les protestations et les hurlements! J'entends les nouveaux Savonarole de laboratoire dire que la vie, c'est bien plus que le passage de l'homme sur terre et que rien n'est perdu tant que quelque bactérie ou mycoplasme survit à notre insigni­-­fiante espèce. Mais si vraie que soit cette idée, elle n'a de réalité que dans la tête de l'homme; après lui, ­personne pour la penser et la dire.

Anatole France est passé de mode, mais on y trouve encore quelques beaux koans à méditer : «La terre n'est qu'un grain de sable dans le désert infini des sables, mais si l'on ne souffre que sur la terre, elle est plus grande que le reste du monde.»

Jean Paré est Officier de l'Ordre national du Québec et membre de Conservation de la nature.